Seul un Français sur trois favorable à la mixité sociale imposée à l’école
Selon un sondage Cluster 17 pour « Le Point », face aux doutes que suscite l’école publique dans l’opinion, les Français font plus confiance au privé.

Il était devenu une antienne de la Rue de Grenelle. Annoncé par Pap Ndiaye en novembre 2022, l’ambitieux plan mixité sociale à l’école a été maintes fois reporté. Le 11 mai, le ministre de l’Éducation s’en tenait à des annonces a minima. « Le ministre a raison de vouloir rassembler tout le monde, mais il ne faut pas réveiller de vieux conflits », commentait finalement ce lundi 15 mai Emmanuel Macron, soucieux de préserver « l’unité » des Français sur le sujet, auprès de nos confrères de L’Opinion.
Qu’en pensent effectivement les Français ? Une étude* de l’institut de sondage Cluster 17, scrute, pour Le Point, leur regard sur le sujet. Et révèle ainsi que seul un tiers des sondés (échantillon dont près de 80 % des enfants sont scolarisés dans le public) se positionnent en faveur d’une loi visant à imposer une plus grande mixité sociale à l’école.
Ainsi, en dehors des clusters (ces familles politiques constituées par l’institut) ancrés à gauche et très en faveur de cette mesure (« solidaires », « progressistes » et « multiculturalistes »), plus d’un Français sur deux (52 %) juge préférable de laisser le libre choix de leurs élèves aux établissements privés – comme c’est le cas actuellement.
Crise de confiance
Interrogés sur la qualité de l’enseignement, les sondés se distinguent là encore par leur sensibilité politique et font état de leurs doutes quant à l’école publique. 39 % d’entre eux indiquent accorder davantage de confiance au privé, contre 19 % au public et 27 % aux deux, un Français sur dix n’accordant de crédit ni à l’un ni à l’autre.
Toutefois, si les personnes de gauche sont les plus favorables à l’enseignement public (en particulier le cluster « multiculturalistes », composé de nombreux enseignants et à 61 % pour le seul enseignement public), on y trouve aussi des positions nuancées. Ainsi les groupes de la gauche modérée – plus aisés et diplômés que la moyenne – indiquent-ils accorder leur confiance aux deux types d’établissements.
« On peut y voir les prémices d’une crise de confiance à l’égard du public, mais aussi la marque d’une hostilité très relative au privé, une absence de ressentiment », observe Stéphane Fournier, directeur d’études à Cluster 17. « Plutôt que d’une “guerre scolaire”, comme on l’a qualifiée pendant des décennies, on peut parler d’une course à deux vitesses, note-t-il ainsi, où le privé avance et devient une option face au public qui, aux yeux de certains, déçoit, voire ne remplit plus ses missions », ajoute-t-il.
Nerf de la guerre, c’est encore la question des aides qui divise le plus distinctement les Français. Relevant pour partie de la persistance de la tradition jacobine en faveur d’une école égalitaire et hostile au privé de l’électorat de Jean-Luc Mélenchon (« multiculturalistes », « solidaires » et « révoltés »), elle témoigne aussi d’un clivage fort : 42 % des Français se déclarant favorables à la suppression des aides de l’État, 49 % contre.
Cette nouvelle étude fait état d’« un attachement des Français au privé [dont les élèves représentent aujourd’hui 17 % des effectifs, NDLR], observe Stéphane Fournier. En particulier l’électorat (souvent à haut revenu, fort d’un certain capital symbolique et habitant les grandes villes) d’Emmanuel Macron, qui n’a pas grand intérêt à se lancer dans cette bataille ». Et lui préférera l’option de « rendre l’école publique plus forte », comme il l’a exprimé ce lundi 15 mai.
* Étude réalisée par Cluster 17 pour « Le Point » auprès d’un échantillon de 1 864 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus. L’échantillon est réalisé selon la méthode des quotas, au regard des critères de sexe, d’âge, de catégorie socioprofessionnelle, du type de commune et des régions de résidence. Questionnaire autoadministré en ligne. Interviews réalisées du 12 au 14 mai 2023.