Soins palliatifs et inégalités : Quels sont les départements où il vaut mieux mourir en France ?
Avant même de rendre ses conclusions au début d’avril, la Convention citoyenne sur la fin de vie a déjà insisté sur la nécessité d’améliorer l’accès aux soins palliatifs. Plusieurs départements souffrent d’un déficit chronique d’infrastructures. Explications.
Les 185 participants à la Convention citoyenne sur la fin de vie l’ont rapidement compris. Quelles que soient leurs conclusions sur la potentielle autorisation de l’aide active à mourir, il y a un autre chantier, sûrement plus pressant encore et indispensable à mener pour garantir à chaque Français de vivre dignement ses derniers instants. L’égal accès à des soins palliatifs (qui permettent de soulager les douleurs physiques et psychiques de personnes atteintes d’une maladie grave, évolutive ou terminale et pour laquelle les traitements sont inefficaces) est un droit fondamental, inscrit dans le Code de la santé publique (art. L. 1110-1). Mais il relève encore du mirage.

Comme le montre notre carte inédite des déserts en soins palliatifs, il vaut mieux passer ses derniers jours dans l’Aisne que dans les Pyrénées-Orientales. « Même si nous n’avons pas de chiffres précis, nous savons que, dans certaines zones, des demandes de prise en charge ne sont pas, ne peuvent pas être honorées » regrette ainsi Julien Carretier, responsable Projets santé publique au Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie (CNSPFV).

Manque de soignants
Alors que la plupart des départements des Hauts-de-France – le Nord, l’Aisne, la Somme ou encore l’Oise – comptent plus de 70 lits de soins palliatifs pour 100 000 personnes âgées de plus de 65 ans, dans nombre d’autres territoires, les bras et infrastructures pour soulager les souffrances physiques et psychologiques des patients en fin de vie manquent cruellement. Ainsi, de la Haute-Saône, département le moins pourvu, jusque dans l’Ain, mais aussi dans un croissant allant de l’Allier à la Lozère en passant par la Drôme, ce nombre reste inférieur à 42.
Même constat des Landes au Tarn, ou encore dans la Charente-Maritime. Tous sont situés sous la moyenne nationale de 55 lits pour 100 000 personnes de plus de 65 ans. Et la situation pourrait s’aggraver à mesure que la population française continuera de vieillir. Alors que l’Hexagone compte 6,7 millions d’habitants de 75 ans et plus, cette catégorie d’âge devrait compter plus de 12 millions d’individus d’ici à 2070.
Comment comprendre une telle « diagonale du vide » des soins palliatifs ? D’abord, en se penchant sur les besoins des populations : le taux de mortalité plus faible dans les départements d’Auvergne-Rhône-Alpes peut expliquer que les départements y comptent moins de lits de soins palliatifs. Ensuite, par le déficit en soignants : les déserts palliatifs sont, dans certains départements, l’une des multiples facettes des déserts médicaux. C’est le cas de l’Ain, où 15 % de la population n’a pas de médecin traitant.”
Désavantage social et savant
Mais d’autres situations laissent songeur : le département du Cher, pourtant bien doté en lits de soins palliatifs, est presque entièrement un désert médical. Tandis que dans la Charente-Maritime, où les blouses blanches sont présentes en nombre, peu de patients en fin de vie peuvent être accueillis. Serait-ce alors le reflet d’inégalités sociales ? L’Atlas des soins palliatifs et de la fin de vie en France dans son édition de 2023, qui a été publié le 15 mars par le CNSPFV, montre que certains départements cumulent désavantage social et manque de lits en soins palliatifs, comme les Pyrénées-Orientales. Mais, là non plus, l’explication ne paraît pas suffisante. Et une autre piste peut être creusée. « Dans ce département, où il n’y a pas d’unités de soins palliatifs, les acteurs ont du mal à s’accorder sur le lieu où il faut en établir une » ajoute Claire Fourcade, présidente de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (Sfap).
C’est donc aussi l’organisation des acteurs, couplée aux spécificités des départements, qui permet le développement de soins palliatifs. Les Hauts-de-France, dont les départements sont globalement bien dotés en lits, cumulent une espérance de vie plus faible, des taux de mortalité élevés et un indice de défavorisation social fort. Les populations nécessitent ainsi probablement davantage de prises en charge complexes. « Puisque la demande est plus importante dans le Nord, des réseaux philanthropiques s’y sont développés, et des unités de soins palliatifs sont apparues grâce à l’engagement de différents acteurs » continue la présidente de la Sfap, qui exerce à Narbonne.
Dans sa ville audoise, « c’est un directeur de clinique qui a insisté pour avoir des lits de soins palliatifs, car cela lui tenait à cœur, et, au bout de trois ans, l’ARS a fini par les financer » raconte-t-elle. Dans d’autres départements, cette impulsion au développement des soins palliatifs, spécialité née il y a une quarantaine d’années, n’a pas encore eu lieu. D’où la nécessité, selon Julien Carretier, « de faire connaître cette culture auprès des citoyens, mais aussi des soignants ».
Hospitalisation à domicile
Notons aussi que les soins palliatifs ne sont pas toujours prodigués à l’hôpital : certains patients peuvent rester chez eux ou dans leur Ehpad, dans le cadre d’une « hospitalisation à domicile » (HAD). De même dans le cas de « prises en charge particulièrement complexes » explique David Beausire, médecin en HAD. Parmi les départements mal pourvus en lits, certains proposent à l’inverse de nombreuses HAD en soins palliatifs : c’est le cas des Landes, de la Lozère ou du Jura. Tandis que d’autres se situent nettement en dessous de la moyenne sur les deux tableaux, comme la Haute-Saône et l’Isère. Ces soins au foyer sont de plus en plus répandus : de 15 250 décès lors d’une hospitalisation à domicile en 2013 (chez le patient ou en Ehpad), la France est passée à 27 000 en 2019.