Suède : Le racisme du mur blanc
La peinture blanche aurait-elle favorisé la diffusion du racisme ? La Norvège alloue un million d’euros pour répondre à cette question fondamentale…
L’espoir serait qu’il s’agisse d’un canular. Le Conseil norvégien de la recherche vient d’allouer près de 1,15 million d’euros d’argent public à un projet universitaire visant à montrer que le dioxyde ou « blanc » de titane, un pigment massivement utilisé dans la peinture en bâtiment, aura permis, depuis sa conception par des chimistes norvégiens au XIXe siècle, d’étaler sur le monde le racisme et d’asseoir, par la même occasion, la puissance coloniale d’un pays qui, avant qu’il ne découvre des gisements d’hydrocarbures et le plaisir de jeter son argent par les fenêtres, ne valait pas tripette.

Comme nous l’apprend son site Internet, le projet NorWhite, dirigé par l’historienne de l’art et de l’architecture Ingrid Halland (université de Bergen), prévu pour durer jusqu’en 2028, s’inscrit dans le champ d’études sur la « blanchité ». Toujours selon cette même plaquette, ce concept ne serait rien de moins que « l’une des principales préoccupations sociétales et politiques actuelles » et, à en croire les « travaux fondamentaux des études sur la blanchité dans l’histoire de l’art et de l’architecture », il ferait partie des « structures culturelles et visuelles de privilège ».
Mais qu’on se rassure, NorWhite promet de se jouer sur « un champ de bataille nettement différent pour les politiques de la blanchité dans l’art et l’architecture », et « deux prémisses fondamentales sous-tendent le projet ». Premièrement, que la blanchité ne se contente pas d’être « une condition culturelle et sociétale liée à la couleur de la peau, aux privilèges et à l’exclusion systémique », mais qu’elle se « matérialise partout autour de nous ». Deuxièmement, qu’on « ne peut comprendre cette matérialisation sans comprendre les conditions sociétales, technologiques et esthétiques de la couleur elle-même ».
En termes d’études de doléances, comme les ont surnommées Helen Pluckrose, James Lindsay et Peter Boghossian au moment de leur historique canular en série, difficile de faire plus caricatural. La pétition de principe ne pourrait être plus éclatante et complète. D’une part, on ne cherche pas à savoir et encore moins à vérifier si racisme, et oppressives intentions, il y a effectivement eu dans cette peinture blanche née en Norvège, mais bien comment il s’est manifesté. De l’autre, avant même que les recherches n’aient eu lieu, on sait ce qu’elles vont trouver. Partout ailleurs, une telle « méthode » serait jugée au mieux inepte et au pire frauduleuse, mais dans le monde merveilleux de la théorie critique et de sa fertile progéniture, ça passe crème.

Ce qui saute également aux yeux dans cette histoire, c’est la facilité avec laquelle des éléments factuels réfutant la thèse ne sont pas éliminés après avoir été analysés – là encore, la base de toute démarche scientifique digne de ce nom –, mais tout bonnement ignorés. Parmi les plus évidents, le fait que la culture norvégienne telle qu’elle s’exprimait au IXe siècle chez les Vikings n’a pas attendu la chimie de synthèse pour faire sentir au monde (à portée de drakkar) ses très grosses envies d’impérialisme. Ou que si le « blanc de titane » a déferlé sur les murs aux quatre coins de la planète, ce n’est pour « installer le blanc comme couleur supérieure » (elle était déjà associée à la pureté chez les Égyptiens ou à la magistrature et à la virilité chez les Romains), mais parce que les peintures dont il était l’ingrédient adhéraient mieux, résistaient mieux à l’épreuve du temps et, en particulier, étaient beaucoup moins toxiques que les autres.
En d’autres termes, un exemple tout à fait basique d’innovation technique étayant une belle réussite industrielle parce que le produit en question était meilleur que ses alternatives et concurrents. Soit, sans doute, une explication bien trop simple, et dès lors suspecte, pour des esprits paramétrés afin de tout trouver « problématique » – à la notable exception du privilège qu’il y a à pouvoir dégoter des millions pour financer ces clowneries.