« Sur les traces de la Marianne noire »

C’est l’histoire d’un buste unique en son genre, celui d’une Marianne représentée sous les traits d’une femme africaine apparue 40 ans avant la mode des Mariannes et restée totalement inconnue. C’était en 1848. Pour la première fois, la République était noire.

Elle trône au Musée départemental de la Résistance et de la Déportation à Toulouse depuis 1977. Imposante, coiffée d’un bonnet phrygien, c’est une Marianne unique en son genre puisqu’elle représente une femme africaine. Alain Lewkowicz s’est lancé à la recherche des origines de ce buste en plâtre. Alimentée par une cohorte d’experts (auteurs de « la Marianne du musée », Ed. Loubatières, 2020), sa passionnante enquête révèle qu’elle est l’œuvre du sculpteur Bernard Griffoul-Dorval, un franc-maçon toulousain, qui a réalisé une commande faite par les loges maçonniques de sa ville à l’occasion de l’abolition de l’esclavage, en 1848.

Le buste de la Marianne noire a vu le jour en 1848, commandée par les loges maçonniques de Toulouse pour célébrer l’abolition de l’esclavage et les valeurs de la Seconde République, qui, à peine née, est déjà menacée. Elle aurait été sculptée par un célèbre artiste toulousain, éminent Professeur de l’Ecole des Beaux-Arts, Bernard Griffoul-Dorval, lui-même franc-maçon et adapte des idées fouriéristes et des premiers socialistes utopistes.”

Son œuvre audacieuse et séditieuse va devenir un véritable personnage politique au destin hors du commun, une vie de cavale, d’outrage, de violence. On va tenter de l’humilier, de la tuer symboliquement. La Marianne noire sera ainsi inhumée avant de ressortir de terre, dégradée et abîmée, mais fière, forte et résistante. On lui redonne vie, on la restaure. Et là, coup de théâtre. Un autre sculpteur, lui aussi toulousain et franc-maçon revendique la paternité de l’œuvre de Griffoul.

En 1940, dégradée par les miliciens du régime de Vichy, elle aurait même reçu une balle de revolver, avant d’être cachée par les résistants dans un jardin de la Ville rose. Pour percer son mystère, tous les moyens technologiques actuels sont utilisés car la Marianne noire n’a pas fini de livrer tous ses secrets. Huit copies ont été réalisées dont une a rejoint le Musée de la Franc-Maçonnerie à Paris, en juin 2021. Les professeurs toulousains espèrent une reconnaissance nationale de ce visage républicain de la diversité.

Cette histoire se déroule comme le fil d’une enquête policière, pas à pas, indice après indice, expertise après expertise. Elle nous révèle un horizon aujourd’hui encore indépassable, celui d’une République incarnée par une Marianne noire. Mais elle redonne un sens à la formule d’Alexis de Tocqueville : dans chaque démocratie, “chaque génération est un peuple nouveau” !

Cette vieille dame de 174 ans a survécu à tous ces ennemis et trône désormais au Musée de la Résistance de Toulouse où quotidiennement, elle interpelle ceux qui croisent cette femme d’une absolue modernité.

Sur les traces de la Marianne noire, une série en 8 épisodes, signée Alain Lewkowicz.

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