Syrie : Le fils d’un terroriste islamiste toulousain, qui était de “la voix de Daesh”, souhaite revenir en France pour bénéficier du système de santé
Adem Clain, fils du terroriste toulousain Fabien Clain, s’est exprimé pour la première fois. Le jeune homme de 21 ans vit en Syrie depuis ses 12 ans. Blessé, il souhaite revenir en France.
Blessé à la jambe par un tir de mortier, à Baghouz, son état nécessite une opération pour pouvoir espérer remarcher normalement, impossible en Syrie. “J’ai l’impression que la France m’a laissé dans un carton fermé, avoue le jeune homme. On me fait payer ce qu’a fait mon père, mais quelle est ma faute à moi ?”

Le fils du terroriste Fabien Clain. Adem, 21 ans, se trouve à Qamishli, dans un centre de déradicalisation pour jeunes d’origine étrangère. Il veut rentrer en France, notamment pour être soigné.
Je veux rentrer en France” supplie Adem Clain, dans un entretien accordé à nos confrères de Paris Match. Fils de Fabien Clain, terroriste qui avait revendiqué l’attentat du Bataclan le13 novembre 2015 à Paris, le jeune homme de 21 ans est toujours en Syrie. Il y avait été emmené par son père et sa mère, Mylène Clain, lorsqu’il avait 12 ans. Il vit désormais dans un centre de déradicalisation pour jeunes d’origine étrangère, près de la ville de Qamishli, dans le nord-est de la Syrie.
Il n’est pas le seul, au centre, à souhaiter regagner le sol français. Il y a aussi Hamza B., jeune homme de 20 ans, originaire du quartier de la Reynerie, qui s’était affiché en 2014, fusil-mitrailleur en main, dans une vidéo de propagande, dans laquelle il se disait héritier de Mohamed Merah. Comme Adem Clain, lui aussi regrette cette période qu’il n’a pas choisie.
On pensait tous les hommes du clan Clain décimés. Le 6 septembre dernier, dans un centre de déradicalisation près de la ville de Qamishli où sont détenus une centaine d’enfants de djihadistes étrangers, nous en avons pourtant retrouvé un.
Adem, enfant de parents radicalisés
Adem est le fils de Fabien Clain, la « voix française de l’État islamique », le terroriste qui a revendiqué les attentats du 13 novembre 2015, qui fit 130 morts et 490 blessés à Paris. Celui, aussi, qui est soupçonné d’avoir cherché à mettre en place un réseau d’enfants soldats formés en Syrie dans le but de perpétrer des attaques en Europe.
Adem, 21 ans aujourd’hui, a-t-il été façonné par son père pour répandre la terreur dans son pays natal, cette France qu’il a quittée à l’âge de douze ans dans les pas de ses parents radicalisés et où il souhaite aujourd’hui retourner ? Le jeune homme qui se tient timidement assis face à nous peut-il échapper à son héritage mortifère ?
C’est tout l’enjeu sécuritaire que posent ces « revenants » de l’État islamique, ramenés au compte-goutte par les autorités françaises. En juillet dernier, Paris a annoncé avoir clôturé les retours. Retenu depuis deux ans dans ce centre de détention dans l’est de la Syrie, l’adolescent a été gravement blessé par un tir de mortier dans les bombardements sur la ville syrienne de Baghouz en 2019, là où s’étaient retranchés les irréductibles de Daech. Là où son père et son oncle ont péri dans une frappe ciblée de la coalition.
Rescapé, Adem nous montre sa jambe qu’il traîne depuis comme un poids mort. Pour espérer remarcher, il doit subir une opération impraticable en Syrie. « On me fait payer ce qu’a fait mon père, mais quelle est ma faute à moi ? » interroge-t-il la voix nouée, conscient qu’en cas de retour en France il devra répondre des dérives d’une famille ayant collectivement basculé dans l’Islam radical.
Les Clain, une famille au service du djihad
Son oncle, Jean-Michel Clain, était une figure emblématique de la mouvance toulousaine avant de fréquenter avec son frère Fabien les milieux salafistes de Molenbeek en Belgique. Les deux hommes ont également mis en place une filière d’acheminement de jeunes combattants vers la Syrie, un djihad par procuration pour lequel le père d’Adem a été condamné à cinq ans d’emprisonnement – poursuivant derrière les barreaux son redoutable prosélytisme. En 2015, la famille échelonne des départs vers la Syrie par petits groupes, pour ne pas attirer l’attention des services de renseignement.
Une adolescence sous le califat
Adem débarque à Raqqah l’année de son entrée au collège, après que ses parents lui ont fait croire qu’ils partaient tous pour « de longues vacances en Italie ». Huit années d’errance, une adolescence sous le califat entre entraînements militaires, bombardements et exécutions publiques sur lequel il ne s’attarde pas lors de notre conversation.
Le temps de l’entretien qui nous a été accordé est compté : quinze minutes. Le jeune homme sait également que tout ce qu’il dira sera retenu contre lui. « J’espère que je n’irai pas en prison, nous confie-t-il. Je veux bien aller dans un centre, mais un vrai. Ici, c’est trop dur ».
« Ici », les gardiens surveillent ces adolescents radicalisés comme du lait sur le feu, inquiets que ces derniers ne se plaignent de mauvais traitements aux journalistes. « Ils arrivent emplis de haine et de peur, confie l’un d’eux. Beaucoup essaient de s’enfuir au début et refusent de nous dire bonjour. Au bout de six mois, on commence à obtenir des résultats encourageants. Sauf pour les fils d’émirs, qui ont besoin de plus de temps… »
Une mère qui refuse de rentrer en France
Adem, lui, affirme avoir tourné le dos à l’idéologie de ses parents. Sa mère, une Normande convertie que nous avons retrouvée dans le camp d’Al Roj près de la frontière irakienne, refuse obstinément de rentrer en France, où elle sait qu’elle n’échappera pas à une lourde peine de prison.
L’adolescent ne l’a pas revue depuis trois ans. « J’aime beaucoup ma maman, souffle-t-il, et je sais qu’elle m’aime aussi. C’est son choix de ne pas rentrer, mais je suis fatigué. Plus j’attends, plus mon corps me lâche. »
L’opinion publique française reste largement hostile aux retours de ces ressortissants considérés comme des « bombes à retardement », qui le deviennent chaque jour davantage enfermés entre quatre murs…
Pourquoi rapatrier les enfants français de Daesh
Au sujet des enfants, adolescents et jeunes adultes qui ont été enrôlés malgré eux dans ce djihad, plusieurs voix s’expriment pour les faire revenir en France. Ludovic Rivière, avocat au barreau de Toulouse, le répète depuis plusieurs années : “Il faut rapatrier ces adolescents avant qu’il ne soit trop tard, affirme-t-il. Contrairement aux tout petits ils se souviennent de tout, sont des témoins et victimes de violences et seront marqués durablement.” Les rapatrier pour “déconstruire l’idéologie” qu’on leur a inculquée. Pour que dans 10 ans, ils ne constituent pas une nouvelle génération de terroristes radicalisés.