Tour d’Europe des politiques migratoires les plus efficaces

La Fondation pour l’innovation politique (Fondapol) a analysé les politiques migratoires en vigueur dans les pays membres de l’Union européenne. Et le résultat est sans ambiguïté : sur presque tous les sujets, la France se révèle plus laxiste que ses voisins. Voici leur rapport.

La comparaison européenne révèle que la France est plus permissive dans sa politique d’immigration légale que la plupart de ses voisins. En France, les exigences en termes d’intégration sont faibles, le regroupement familial et l’accès à la nationalité répondent à des règles le plus souvent moins strictes . De plus, les personnes étrangères en France font l’objet d’un accueil incomparablement plus généreux que partout ailleurs, qu’il s’agisse des réfugiés, des demandeurs d’asile, des mineurs isolés ou encore des étrangers en situation irrégulière.

1 – L’Intégration

La France a un programme d’intégration peu contraignant. Les étrangers, personnes étrangères nées à l’étranger, qui arrivent pour la première fois en France et souhaitent s’y installer durablement doivent signer un contrat d’intégration républicaine, d’une durée d’un an. L’étranger doit passer un entretien avec l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii), au cours duquel plusieurs formations peuvent être prescrites. La formation…

Une formation professionnelle peut être proposée, mais sans obligation. Une formation civique doit permettre à l’étranger de s’approprier les valeurs de la société française (portrait de la France, santé, emploi, parentalité et logement). Obligatoire, cette formation est cependant l’une des moins contraignantes d’Europe : elle ne dure que quatre jours. Le respect du contrat, nécessaire pour la délivrance d’une carte de séjour pluriannuelle, n’est conditionné qu’au suivi des formations obligatoires et ne comporte aucun test de niveau.

Ce que font les autres que nous ne faisons pas…

En Allemagne, le programme d’intégration est obligatoire si l’étranger ne parle pas ou peu l’allemand (700 heures de cours), programme à sa charge, soit 2,29 euros par heure et 1 603 euros au total, sauf s’il perçoit des aides sociales. Si les examens sont passés avec succès, la personne peut, sous certaines conditions, récupérer jusqu’à la moitié de la somme versée. Le programme comprend des cours de langue, avec un test de niveau A2 ou B1, ainsi que des cours d’éducation civique sur les valeurs du pays et les droits et devoirs du citoyen. La formation est conclue par un examen QCM intitulé Vivre en Allemagne, pour lequel au moins 15 réponses correctes sur 33 sont nécessaires pour réussir. Une formation professionnelle peut également être proposée.

En Autriche, le programme d’intégration comprend deux modules. Le premier, sur deux ans, est obligatoire. Il vise une maîtrise de l’allemand (niveau A2) et la compréhension des valeurs fondamentales autrichiennes. La réussite de ce premier module est requise pour obtenir un deuxième titre de séjour. Le second module est plus exigeant et il est nécessaire pour obtenir un permis de séjour longue durée et la naturalisation.

Au Danemark, il revient aux municipalités de mettre en œuvre les politiques d’intégration, en prise avec les réalités locales. Pour les réfugiés et les immigrés issus du regroupement familial, un programme permet l’accès à un emploi par l’amélioration des compétences. Un programme s’étend sur une année, après quoi l’immigré doit être en situation d’emploi. Si l’objectif n’est pas atteint, la durée du programme peut être étendue à une période de cinq ans maximum. Le programme regroupe des cours de danois, qui ne peuvent dépasser une moyenne de quinze heures par semaine, et des offres de formation destinées à faciliter l’obtention d’un emploi.

En Finlande, les besoins d’un étranger en termes d’intégration sont évalués à son arrivée. Un programme individuel de trois ans est proposé, mais il est obligatoire pour toute personne au chômage, recevant une aide de l’État, ou pour les mineurs sans tuteur légal dans le pays. Le programme comprend des cours de finnois ou de suédois (objectif B1), l’acquisition de connaissances sociales et culturelles, et l’accès à la formation et à la vie professionnelle. La décision d’accorder une aide financière pour la durée du programme est du ressort de la municipalité.

Aux Pays-bas, un programme d’intégration est obligatoire. Il faut passer un test à l’arrivée dans le pays. Le résultat détermine l’orientation vers l’une des trois voies d’apprentissage. L’« itinéraire B1 » vise l’accès à un niveau satisfaisant de néerlandais en trois ans, tout en ayant la possibilité de travailler. La « voie éducative » est destinée à apprendre le néerlandais (niveau B1) aux jeunes étudiants étrangers. Enfin, les arrivants qui n’ont pas les compétences pour accéder aux modules précédents suivent l’« itinéraire de l’autonomie » et reçoivent des cours de langue d’un niveau inférieur (A1). Si les tests ne sont pas réussis, l’étranger a trois ans pour les repasser, sous peine d’amende.

En Italie, il faut obtenir 30 crédits (une mesure qui permet de ­valider un cours) pour obtenir un certificat d’intégration. L’étranger se voit attribuer 16 crédits d’office, puis il doit suivre une formation­ ­civique de dix heures sous peine de perdre 15 crédits. Il a ensuite deux ans pour obtenir les 14 crédits ­manquants, en suivant des cours d’italien (niveau A2), de culture civique, une formation professionnelle, etc. Des crédits peuvent être perdus en cas de violations de la loi. Au bout de deux ans, si le nombre de crédits est égal ou supérieur à 30, la personne reçoit un certificat ; si plus de 40 crédits sont validés, elle peut bénéficier de prix spéciaux ­(activités culturelles, formations…) ; si le nombre de crédits est nul, l’étranger perd son permis de séjour. Enfin, ­entre 1 et 29 crédits, le contrat peut être prolongé d’un an, à charge pour l’étranger d’atteindre 30 crédits, sauf à perdre son permis de séjour.

L’absence de programme d’intégration est le plus souvent un signe de fermeture. La Bulgarie, Chypre et la Hongrie ne proposent pas de programme d’intégration. Dans la pratique, cela rend très difficile l’accès au logement, aux soins de base et au marché du travail. Ce sont les pays les plus fermés à l’immigration. De fait, ils accueillent peu d’immigrés.

2 – Le regroupement familial

Le regroupement familial désigne la procédure par laquelle un étranger détenteur d’un titre de séjour peut demander à être rejoint par des membres de sa famille, la plupart du temps son conjoint et ses enfants.

En France, le regroupement familial est l’une des premières sources d’immigration, devant l’immigration économique. Cependant, en 2022, pour la première fois, l’immigration étudiante est devenue la première cause d’immigration, devant l’immigration familiale.

Il n’existe pas toujours une condition de durée de résidence avant de demander un regroupement. En Espagne ou à Malte, le regroupant doit résider depuis au moins un an. En Irlande, il faut travailler depuis un an, sauf si le regroupant est de « catégorie A » (entrepreneurs, chercheurs, etc.). La France a institué un délai de dix-huit mois. Certains pays, comme Chypre, la Grèce et la Lituanie, sont plus fermes, en exigeant au minimum deux ans dans le pays.
Pour les compétences linguistiques, l’Allemagne et l’Autriche exigent des regroupés un niveau élémentaire en allemand (niveau A1). La France ne conditionne pas le regroupement familial à la maîtrise du français, ni pour le résident ni pour sa famille.

En France, il n’existe pas d’âge minimum pour le regroupement des conjoints, ni pour le regroupant ni pour le regroupé, contrairement à l’Autriche, la Belgique, la Lituanie et Malte, où ils doivent avoir au moins 21 ans, ou 24 ans au Danemark.

Pour accueillir sa famille, le demandeur doit justifier de revenus suffisants et stables. Mais le montant des ressources mensuelles requises varie fortement d’un État à l’autre. En France, pour une famille de deux ou trois personnes, le demandeur doit justifier d’un revenu correspondant à un smic net mensuel, soit 1353 euros au cours de l’année précédant la demande. Pour une famille de six personnes et plus, le montant demandé est 1602 euros. En Autriche, le montant requis est de 1752 euros pour un couple et de 171 euros par enfant supplémentaire (soit, pour une famille de six personnes, 2 436 euros par mois). En Finlande, le minimum requis est de 1 700 euros pour un couple, de 500 euros pour le premier enfant, suivi de 100 euros pour chaque enfant supplémentaire, soit 3 100 euros par mois pour une famille de six personnes.

Dans certains pays, une surface minimale du logement pour accueillir les regroupés est précisée. C’est le cas en France, où le logement doit être compris entre 22 et 28 mètres carrés pour deux personnes, selon la zone géographique où il est situé. Il faut ajouter 10 mètres carrés pour chaque personne supplémentaire et, au-delà de huit individus, 5 mètres carrés par personne. En Italie, la surface exigée est de 28 mètres carrés pour deux personnes, 42 mètres carrés pour trois, 56 mètres carrés pour quatre, puis 10 mètres carrés pour chaque personne supplémentaire. Une chambre individuelle doit faire au moins 9 mètres carrés. Un bail de six mois minimum à partir de la demande est également nécessaire.

Le Danemark a établi deux conditions de superficie, dont l’une au moins doit être respectée : soit le nombre de personnes concernées ne peut pas dépasser le double du nombre de chambres, soit la superficie totale doit être d’au moins 20 mètres carrés par personne. À cela s’ajoute une condition de localisation : le logement ne doit pas être situé dans un « ghetto », une zone caractérisée par un taux de chômage élevé, un nombre supérieur à la moyenne de résidents condamnés pénalement et une proportion importante d’immigrés et de descendants d’immigrés venus de pays non occidentaux.

L’effet d’une condamnation pénale est parfois précisé. Aux Pays-Bas, le regroupé ne doit pas avoir commis de délit ou de crime. Il peut être ­indiqué que le conjoint et les enfants peuvent être exclus du regroupement familial si leur présence ­constitue une menace pour l’ordre public. C’est le cas en France ou en Finlande.

Afin de restreindre au maximum le regroupement familial, le ­Danemark a mis en place plusieurs conditions qui le distingue des autres pays européens. Le regroupé doit s’être rendu au moins une fois sur le territoire danois.

Le regroupant doit satisfaire deux conditions financières : ne pas avoir touché d’aides de l’État pendant les trois années précédant la demande et ­disposer d’une caution de 14.800 euros, que la municipalité utilisera si le regroupé a besoin de prestations sociales. Depuis 2018, à eux deux, les conjoints doivent remplir au moins quatre de ces six conditions : pour le regroupant, réussir un test de langue en danois de niveau avancé, avoir travaillé cinq ans au Danemark ou avoir fait six années d’études au Danemark ; pour le regroupé, réussir un test de langue témoignant d’une connaissance de l’anglais ou du danois, avoir travaillé trois ans sur les cinq dernières années ou avoir accompli une année d’études supérieures.

3 -L’Obtention de la nationalité par naturalisation

La naturalisation est un mode d’acquisition de la nationalité. Elle n’est pas automatique. Elle se fait par décision de l’autorité publique et elle est accordée sous certaines conditions. Ces conditions définissent un ensemble de contraintes dont la rigueur ­varie selon les pays. Au sein de l’Union européenne, la France est l’un des pays où l’acquisition de la ­nationalité est la plus facile.

Le premier critère est la durée de résidence dans le pays dont on veut obtenir la nationalité. Cette durée minimale est de dix ans en Autriche, Espagne, Lituanie, Pologne, Slovénie et Italie, de neuf ans au Danemark, de huit ans en Croatie, Estonie, Hongrie, Roumanie, Slovaquie et Allemagne, de sept ans à Chypre et en Grèce. En Allemagne, il est question de réduire cette durée à cinq ans, soit la même durée qu’en France.

La naturalisation est ensuite conditionnée à la maîtrise d’un niveau de langue. À l’image de la quasi-totalité des autres pays de l’Union européenne, la France requiert un niveau B1, soit la capacité d’être autonome dans la plupart des situations de la vie quotidienne. Le Danemark se montre plus exigeant en requérant un niveau de langue permettant de « communiquer spontanément et aisément avec un locuteur natif » (B2).

La compréhension et l’approbation des valeurs du pays peuvent être contrôlées par des tests. En Allemagne, la vérification se fait par un QCM de 33 questions, auquel il faut apporter au moins 17 bonnes réponses, portant sur la vie, la société, les règles et les lois, ainsi que des questions spécifiques à propos de sa région de résidence. En Espagne, il existe aussi un QCM portant principalement sur des questions constitutionnelles et socioculturelles. Au Danemark, c’est un test de connaissance sur l’histoire et la société danoises, centré sur la culture civique et la vie quotidienne. En France, il n’y a pas de test, seul un entretien est nécessaire pour démontrer l’adhésion aux valeurs du pays. Notons que ce critère d’adhésion est affecté par d’autres dimensions de la politique migratoire, telles que la durée de résidence minimale requise. Ainsi, l’Italie fait partie des pays qui n’exigent pas de test de citoyenneté, mais la durée de résidence légale et ininterrompue avant de pouvoir demander la nationalité est la plus longue.

Il est presque toujours demandé aux candidats, au moment de leur demande, d’être capables de subvenir à leurs besoins et de ne pas dépendre d’aides de l’État. Cette contrainte est renforcée en Autriche, il faut apporter la preuve d’une autonomie financière d’au moins trois ans au cours des six dernières années. Au Danemark, le candidat doit avoir occupé un emploi à temps plein pendant au moins trois ans et demi sur les quatre dernières années et ne pas avoir perçu d’aides de l’État dans les deux dernières années.

L’effet d’une condamnation pénale sur l’accès à la nationalité affecte les chances d’obtenir la nationalité. En dehors de raisons exceptionnelles, telles que l’atteinte aux intérêts de l’État, qui rendent la naturalisation impossible, en France on ne peut pas accéder à la nationalité si l’on a été condamné à une peine de prison ferme de six mois ou plus. Le seuil allemand est plus sévère (trois mois avec sursis suffisent) et l’accès à la nationalité est définitivement fermé en cas de condamnation pour actes antisémite, raciste ou xénophobe. Au Danemark, toute peine de prison, y compris avec sursis, interdit à vie l’accès à la nationalité.

4 -La politique d’accueil

A – L’ACCÈS AUX SOINS

La directive européenne de 2013 sur la protection internationale reconnaît le droit de toute personne à jouir du meilleur état de santé physique et mentale, ainsi que l’accès à des soins d’urgence. Cependant, les droits en matière de santé relèvent des législations nationales. En France, l’accès aux soins pour les demandeurs d’asile et les réfugiés est assuré par la protection universelle maladie (Puma), qui a remplacé la CMU. Une condition de séjour ininterrompu d’au moins trois mois sur le territoire a été introduite fin 2019, sauf pour les mineurs.

Pour les migrants en situation irrégulière, l’aide médicale de l’État (AME) permet de bénéficier des soins médicaux et hospitaliers sans frais. Ne sont demandés qu’une condition de résidence sur le territoire français depuis au moins trois mois et un revenu mensuel inférieur à 767 euros. Les seules prestations exclues sont les cures thermales et la PMA. En 2022, l’AME a compté 320 000 bénéficiaires, pour un coût de 1 milliard d’euros. Les étrangers en situation irrégulière qui ne bénéficient pas de l’AME, parce qu’ils sont en France depuis moins de trois mois ou parce que leur admission a été refusée, bénéficient du dispositif de soins urgents et vitaux (DSUV), qui prend en charge à l’hôpital les soins dont l’absence aurait des conséquences graves ou fatales.

Un ressortissant étranger qui réside en France depuis au moins un an peut bénéficier d’une carte de séjour temporaire pour raisons de santé. Sa durée peut aller jusqu’à quatre ans. Il faut remplir deux critères : un état de santé nécessitant une prise en charge sous peine de conséquences graves et ne pas pouvoir bénéficier d’un traitement approprié dans son pays d’origine. Selon Didier Leschi, on recense plus de 30.000 bénéficiaires (Ce grand dérangement. L’immigration en face, Gallimard, 2020, p. 45).

B – LA LÉGISLATION POUR LES MINEURS

Le traitement des migrants diffère selon leur âge. Les mineurs non ­accompagnés bénéficient d’aides supplémentaires au titre de la ­protection de l’enfance. En 2020, 40.000 personnes se présentent comme mineurs non accompagnés en France. La moitié environ est ­intégrée au dispositif de l’Aide ­sociale à l’enfance (ASE). Le coût moyen de la prise en charge d’un ­mineur non accompagné au titre de l’ASE est estimé à 50.000 euros par an, couvrant le logement, la nourriture, les frais d’éducation et de ­formation. Dans le cas d’un individu se déclarant mineur mais sans document d’identité permettant de le prouver, les autorités judiciaires peuvent recourir à un examen radiologique osseux. Les conclusions doivent préciser la marge d’erreur, dont le doute profite à l’intéressé. Or, en France, cet examen ne peut être réalisé sans l’accord de l’intéressé qui échappe ainsi aux conséquences du fait d’être majeur. En Finlande, si l’examen osseux (mais aussi dentaire) ne peut pas être ­effectué sans l’accord de l’individu, son refus sans raison valable amène à le considérer comme adulte.

C – L’ALLOCATION DES DEMANDEURS D’ASILE

Les conditions pour les demandeurs d’asile en attente de leur réponse diffèrent également. En France, le montant de l’allocation pour ­demandeur d’asile (ADA) est de 426 euros par mois si le demandeur n’est pas hébergé. Si le demandeur est placé dans un centre d’hébergement comprenant la nourriture, il bénéficie de 204 euros par mois. Il s’agit d’un des montants les plus élevés en Europe. Un demandeur d’asile logé et nourri reçoit mensuellement entre 180 et 212 euros en ­Belgique, 147 euros en Allemagne, 71 euros en Suède ou 40 euros en Autriche.

Une étude inédite de la Fondation pour l’innovation politique

La Fondation pour l’innovation politique a expertisé la politique migratoire des 27 États membres de l’Union européenne en matière de droit d’asile et de conditions d’accueil, de regroupement familial, de naturalisation et d’intégration. L’essentiel des informations réunies provient des législations nationales, documentées sur les sites des ministères des différents pays. La plupart des données sont d’Eurostat. La version complète de l’étude de la Fondapol, intitulée Immigration : comment font les États européens, est en libre accès sur le site de Fondapol.

Le Figaro