Troyes (10) : « Pour nous, au bled, c’est normal de se photographier avec des objets volés », trois maghrébins écopent de deux ans et demi de prison et d’OQTF après une série de cambriolages
Six cambriolages commis dans une aire géographique limitée. Fin 2021, c’est tout un quartier qui avait été écumé par une bande d’étrangers. La semaine dernière, ils ont été condamnés pour recel et cambriolage.
Des trois prévenus, aucun n’avait le droit de séjourner sur le territoire français. Seul Adda Belhaddad, 32 ans, n’avait pas encore écopé d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF), une sanction administrative délivrée par les préfectures. Mais tant Abdelkader Mohamed qu’Imad Mekki s’étaient vus notifier leur OQTF. Et c’est à ce titre que le dernier avait l’obligation de venir pointer au commissariat de Troyes, à intervalles réguliers. Mieux encore, ce dernier toujours, à l’issue d’une condamnation par le tribunal de Marseille, avait écopé d’une interdiction de paraître sur le territoire français pendant dix ans.

Des sanctions, administrative et judiciaire, dont ils n’ont vraisemblablement pas saisi la portée puisque le 16 décembre 2021, ils se faisaient interpeller, au moins pour les deux premiers, voie des Viennes, à l’issue d’un cambriolage dans une maison du secteur. Le dernier d’une série de six dans un périmètre tout proche, tant sur la commune de Sainte-Savine que sur Saint-André-les-Vergers. Des maisons pillées et vidées des bijoux, ordinateurs, appareils-photo et même instruments de musique.”
Des objets dont certains avaient pu être retrouvés dans les sacs qu’Abdelkader Mohamed et Adda Belhaddad avaient pris soin de jeter avant d’être interpellés par les policiers. D’autres objets, encore, avaient été aperçus en photo dans les téléphones de deux des trois prévenus. D’autres, enfin, dans un sac, au pied du domicile commun qui liait les trois hommes, rue du 11-Novembre à Sainte-Savine.
Mais dans le box, seul Imad Mekki, 20 ans, a reconnu qu’il avait bien participé au cambriolage du 16 décembre. En tant que guetteur uniquement. « Je n’ai pas eu le choix, Samir (le surnom d’Adda Belhaddad) m’a forcé, j’ai peur de lui, c’est lui le voleur », a-t-il lâché.
Des objets volés pris en photo
Un voleur qui, pourtant, n’a rien voulu assumer. « Je suis peut-être passé à cet endroit-là mais c’est un hasard. » Rien fait, rien pris. Les photos d’objets volés sur son téléphone dont certains qu’il porte même face caméra ? « Pour nous, au bled, c’est normal de se photographier, mais les objets je les ai vus dans l’appartement, ce n’est pas moi qui les ai apportés. » Pour les victimes, en revanche, c’est rarement évident de prendre ses propres bijoux en photo, alors ceux des autres…
Abdelkader Mohamed, lui aussi, n’a pas eu le choix. S’il n’a commis aucun cambriolage, il n’a eu d’autre choix que de récupérer un sac donné par « Samir » et de le jeter à la vue des policiers, « de stress ».
Un préjudice psychologique inestimable »
Présentes à l’audience, trois victimes, trois femmes courageuses qui pourtant ont perdu le sentiment si protecteur du « chez soi ». « Ils n’ont aucune conscience de ce que ça peut provoquer chez l’autre », a déploré la partie civile, par la bouche de Me Wagnon-Horiot.
« Un préjudice psychologique inestimable » a appuyé la procureure de la République. Pour elle, tous les trois ont agi de concert, tant le 16 décembre que pour les cinq cambriolages précédents. « Dans un sac à dos abandonné, le 16 décembre, on retrouve un objet volé le 2 novembre. » Pour elle, la même peine s’applique aux trois prévenus : trois ans de prison avec maintien en détention et interdiction définitive du territoire français. Toutefois, si le tribunal n’était pas de son avis, Julie Bernier a requis que les faits soient requalifiés en recel habituel.
Cinq faits requalifiés en recel
Forcément, en défense, on n’était pas du même avis. Me Maucert, pour Adda Belhaddad, a plaidé la relaxe. « Personne ne le voit jeter de sac et on ne retrouve rien sur lui à part deux téléphones. » Quant aux photos des objets volés, l’avocate a insisté sur le fait qu’elles n’étaient « pas la preuve qu’il ait participé à l’un ou l’autre de ces vols ».
Pour le plus jeune, Me Collin a plaidé l’innocence s’agissant de tous les faits antérieurs au 16 décembre. « Les enquêteurs eux-mêmes notent que les recoupements avec les autres faits n’ont rien donné, je pourrais me rasseoir maintenant. »
Finalement, après en avoir délibéré, le tribunal a condamné les trois hommes (en requalifiant en recel les cinq premiers cambriolages) et les a renvoyés immédiatement en prison pour deux ans et demi. À l’issue, ils n’auront plus jamais le droit de séjourner sur le territoire.