Ultradroite : Qui sont les “accélérationnistes” ?

Connaissez-vous les accélérationnistes ? Ces individus d’ultradroite cherchent à “accélérer” la “guerre raciale” pour assurer la “survie des Blancs”.

L’accélérationnisme est d’abord apparu à la gauche de la gauche, revendiqué dans un manifeste de deux universitaires londoniens publié en 2013. Après la défaite culturelle de la gauche face au néolibéralisme, «leur idée est de doubler le capitalisme sur son propre terrain, en poussant au maximum la logique du progrès technologique émancipateur et du marché pour accéder au plus vite à un monde post-capitaliste», explique Nathanaël Wallenhorst, maître de conférences HDR et docteur en science politique à l’université catholique de l’ouest. «On leur reproche assez rapidement leur conception autoritaire de la politique ; la fin justifie les moyens, prônent-ils, c’est la limite de leur raisonnement», juge le chercheur. En effet, la violence peut devenir ainsi un moyen légitime de l’action politique.

Les accélérationnistes pensent qu’il faut hâter la guerre raciale pour que les Blancs y survivent »

«Une rhétorique de l’action»

L’idée d’accélérer l’avènement d’un ordre nouveau par la violence est reprise quelques années plus tard aux États-Unis, par des groupes néonazis. «Quand on a une novation à l’ultra-gauche, elle est toujours source d’inspiration dans l’extrême droite radicale», analyse l’historien et spécialiste de l’extrême droite Nicolas Lebourg. Le terme d’accélérationnisme est repris, plus comme «une rhétorique de l’action, du passage à l’acte», plutôt qu’un projet idéologique, explique Jean-Yves Camus, directeur de l’Observatoire des radicalités politiques de la Fondation Jean-Jaurès.

«Il y a cette idée de générer le mal à partir du moment où il peut accoucher d’un bien, ou il peut déclencher une réaction immunitaire», poursuit Jean-Yves Camus. C’était la motivation du terroriste Brenton Tarrant, qui a assassiné 51 personnes à Christchurch, en Nouvelle-Zélande, en mars 2019. «Sa motivation était d’entraîner en retour des attentats djihadistes qui provoqueraient à leur tour une montée de l’hostilité à l’égard des musulmans et ainsi de suite jusqu’à la décomposition du système ou la prise du pouvoir».

À partir de 2015, le concept d’accélérationnisme imprègne l’Atomwassen Division, des groupes aux États-Unis qui mêlent occultisme et néonazisme. «‘Atom’ renvoie à la fois à la puissance destructrice et à l’accélération», analyse Jean-Yves Camus. Ces groupes s’inspirent sur le fond des doctrines du néonazi américain James Manson. Dans son ouvrage Siege, qui leur fait office de référence, il explique que pour mettre fin à la société multiraciale prétendument contrôlée par les juifs, il faut contribuer aux «frictions, au chaos et à l’anarchie», des «fusillades aléatoires» aux «assassinats choisis et consécutifs… dans différentes parties du pays».

La France à demi épargnée

«Pour les accélérationistes, l’usage d’une violence débridée doit entraîner en réaction une plus grande violence, permettant de faire passer les sociétés occidentales du «chaos racial» à la «guerre raciale», détaille Nicolas Lebourg. Après la mise en détention des fondateurs et de l’Atomwaffen Division , le groupe néonazi a eu un certain écho. «Ce courant s’est exporté au Canada, en Grande-Bretagne ou en Australie», rapporte Jean-Yves Camus.

En France, il reste très minoritaire. «Cette référence typiquement américaine au nazisme et au satanisme est une sous-culture du suprémacisme blanc qui a plus de mal à prendre dans une société trop peu religieuse et déchristianisée comme la nôtre», explique le chercheur. Des Français ont bien repris le label de l’accélérationnisme et de l’Atomwaffen Division, mais ils agissent seuls ou en petites cellules, en correspondance privée sur Telegram. Dans un article détaillant le contenu de la chaîne Telegram «Jusqu’en enfer», dont l’administrateur a été arrêté par la DGSI, Marianne précise d’ailleurs que celui-ci, «plutôt cloisonné», «incitait ses lecteurs à devenir ‘des loups solitaires’ avant de rejoindre ‘une meute’ le moment venu». Les groupes de ce genre diffusent par exemple des tutoriels pour fabriquer des armes, explosifs et munitions.

Toutefois, «cette mouvance ne dépasse pas quelques dizaines d’individus», observe Jean-Yves Camus. Pour le chercheur, s’il y a certes une augmentation des procédures antiterroristes visant les militants d’ultra-droite, avec en général un stade d’avancement embryonnaire des projets violents, le terrorisme islamique reste bien le premier danger.