Vaires-sur-Marne (77) : Lesly Thiruchselvam, un clandestin srilankais, écope de quinze ans de prison pour avoir “questionné” la fille de sa compagne… en la poignardant à dix-neuf reprises

La déposition de la maman de Lola (prénom d’emprunt), très attendue, s’est avérée édifiante. Une seule certitude : elle est toujours amoureuse de son compagnon. « Je vais me marier avec lui. Il ne m’a jamais lâchée, il prend soin de moi », a-t-elle assuré. Son accès de violence à son égard en 2016 ? « Il ne fait pas exprès, c’est seulement quand il prend de l’alcool. Quand il est normal, il est gentil ». La mère de famille de 42 ans n’a plus de contacts avec trois de ses enfants qui lui ont tourné le dos : « C’est la grand-mère paternelle qui les manipule, pour que je reste toute seule. Mes enfants ne me respectent pas. Pourtant, je suis toujours là pour eux. »

Après l’avoir laissée s’exprimer, la présidente Corinne Goetzmann l’a ramenée sur le principal sujet, à savoir la victime dans ce procès : « Comment va votre fille ? » Réponse sobre : « Elle va très bien ». Et quand la magistrate a voulu savoir ce que Lola lui avait raconté de son agression et de son mal-être, la témoin le répétait en boucle : « Ma fille ne parle pas avec moi, elle est renfermée ». L’avocat général Alexandre Boulin le lui a demandé : « S’il faut choisir entre votre fille et votre compagnon, qui choisissez-vous ? » Réponse de l’intéressée : « Les deux ».

Le jour des faits, le 14 juillet 2020, la mère de famille, ses quatre enfants et d’autres proches s’étaient rendus au cimetière en mémoire du père, décédé trois ans plus tôt. Lola avait confié à son frère aîné avoir prêté de l’argent à sa mère et évoqué l’existence de son compagnon. Cette conversation – peut-être répétée à l’accusé au retour du cimetière – serait-elle à l’origine de l’agression de Lola ? À la barre, sa mère a assuré ne rien avoir rapporté à son ami. C’est sur ce point précis que sa seconde fille a un doute. Tout au long de l’audience, l’accusé — assisté d’un interprète en langue tamoule — a martelé ne jamais avoir voulu tuer la victime, alors âgée de 19 ans. La jeune femme, qui refusait d’être confrontée à son agresseur, n’assistait pas à l’audience.

Vaires-sur-Marne, 19 rue des pêcheurs. Tentative de meurtre par 19 coups de couteau

Au cours des trois jours de procès, les jurés ont plongé dans l’intimité de cette famille recomposée, traversée par de profonds conflits entre clans. Lesly Michel Thiruchselvam, arrivé en France en 2011 après avoir fui le Sri Lanka pour des raisons de sécurité, vivait une relation cachée avec la mère de la victime, depuis quelques années. N’ayant pas obtenu le statut de réfugié, le trentenaire était en situation irrégulière et survivait grâce à des petits boulots au noir.

« Le déracinement est un billet sans retour. Ce désespoir et cette précarité, il les fuyait dans l’alcool, cette béquille qui permet d’affronter le quotidien », a retracé l’avocat de la défense, Me Thierry Benkimoun. Le soir du drame, son client avait appris que sa belle-fille avait divulgué à des proches sa présence au domicile familial. Il était entré dans sa chambre, un couteau à la main, et lui avait demandé : « C’est quoi ton problème ? 

Pour Me Benkimoun, c’était la démonstration qu’il ne voulait pas la tuer : « Il était dans une démarche de questionnement. Mais quel dialogue peut-on espérer entre un homme à trois grammes d’alcool par litre dans le sang et une adolescente qui ne lui a pas parlé depuis deux ans ? »

Pas du tout l’analyse du ministère public. « Un geste valant mille mots », l’avocat général, Alexandre Boulin, avait mimé les 16 coups portés par l’accusé à sa victime, pour décrire l’acharnement, la haine et la colère. Avant de requérir à l’encontre de Lesly Michel Thiruchselvam une peine de 18 ans de réclusion criminelle, assortie d’une interdiction définitive du territoire français. L’avocat général avait évoqué le couteau « très pointu et bien aiguisé », que l’accusé avait caché derrière son dos, avant d’entrer dans la chambre de la victime : « Toutes les plaies sont en zone vitale, en haut du corps. Quand elle se défend, quand elle lui tient le poignet, est-ce qu’il s’arrête ? Non. Il voulait qu’elle meure pour être tranquille. »

20 Minutes